Fréquentée depuis l’Antiquité, la montagne de Lure a accueilli des habitants qui se sont adaptés aux ressources disponibles. L’influence est à double sens : les paysages et la biodiversité ont été fortement modelés par les activités humaines, mais la montagne a créé une véritable identité sur le territoire.

 

Le pastoralisme, fondateur des pelouses sèches
Au sommet de Lure, l’ouverture du paysage sur les pelouses calcaires est fantastique. Aérés par les vents qui réveillent les senteurs, ces grands espaces sont le résultat de longs siècles d’actions humaines.

C’est l’élevage de moutons principalement, puis de chèvres à partir du début du XIXème siècle, qui a modelé les hauts paysages de Lure. Passant l’hiver à l’étable, les troupeaux des communes locales et plus lointaines étaient conduits de mai à septembre en montagne où l’herbe est la plus riche : c’est la transhumance.

Les animaux mangeaient les jeunes pousses, arbustes et buissons et empêchaient ainsi la reconstitution et la croissance des forêts. Les familles propriétaires, qui passaient la belle saison avec leurs bêtes, favorisaient aussi l’ouverture des espaces et la création de pâtures en exploitant la forêt. On retrouve ponctuellement sur Lure la marque de ces temps de vie passés en montagne par la présence d’abris et d’anciennes bergeries construites en pierres sèches.

Jas de Pierrefeu à Cruis / Moutons en pâture sur Lure – Source : Francesca Jeanparis, CCPFML

La pierre sèche
L’omniprésence de blocs calcaires sur la montagne de Lure a rendu difficile d’obtenir de bons rendements en cultivant cette terre pierreuse. Ainsi les familles paysannes ont effectué un audacieux travail d’épierrage. De cette matière première à l’origine contraignante est née une architecture très caractéristique du milieu rural. Les pierres ont ensuite été utilisées pour créer des murets, enclos, cabanons, bergeries, abris divers pour les outils, les bêtes, les hommes… On dénombre environ 150 constructions réalisées entre 1850 et 1950.

Les cairns, amas de pierres disposées par les bergers ou les randonneurs permettant de matérialiser un chemin ou un sommet, se retrouvent au long des sentiers et servent à se repérer.

La fermeture des paysages
Cependant, l’activité de l’élevage et de la transhumance en altitude est progressivement abandonnée, car la concurrence liée à l’intensification et la modernisation des techniques d’élevage a forcé les éleveurs à s’adapter par souci de rentabilité. Il ne reste aujourd’hui que quelques troupeaux qui pâturent sur la montagne.

En conséquence, ces pelouses ne sont plus entretenues et certaines espèces végétales prennent ainsi le dessus amenant à la disparition d’habitat favorables à certaines plantes rares. Des programmes existent afin de préserver la richesse des pelouses sèches et d’apporter des aides aux éleveurs afin d’encourager le pastoralisme, comme le programme européen Life pelouses sèches. Il permet des travaux de débroussaillage sur la montagne afin d’entretenir le milieu et de préserver sa richesse écologique et ses paysages.

 

La montagne de Lure, terre nourricière
La montagne de Lure offre bien d’autres richesses. La cueillette puis la culture des plantes aromatiques et médicinales présentes dans les espaces ouverts a marqué l’Histoire du territoire. La forêt était exploitée pour son bois, son gibier, mais aussi pour la truffe noire et les arbres fruitiers.
La cueillette, dans les racines du territoire
En se promenant sur la montagne de Lure et aux alentours, une ambiance particulière à la Haute-Provence est omniprésente : les senteurs. Thym, sarriette, lavande, pins… ces plantes aromatiques et médicinales font partie intégrante de l’Histoire et du développement du territoire.

Pendant la belle saison, les troupeaux étaient emmenés sur les pâtures de la montagne de Lure. Les familles en profitaient alors pour cueillir des plantes sauvages, les séchaient et formaient des balles. Les hommes partaient ensuite à l’automne à pied pour les vendre, dans toute la région mais parfois aussi dans des contrées plus lointaines, jusqu’en Belgique ! A l’épreuve du froid, des maladies et des agressions, le voyage de ces marchands ambulants appelés colporteurs-droguistes était une véritable aventure. Leur histoire est imprégnée dans un lieu emblématique de la montagne : Notre-Dame de Lure.

La cueillette a permis à certains villages et certaines familles de se développer, de vivre de leur activité et de prospérer en diversifiant leurs activités en transformant les plantes en alcools, huiles essentielles, parfums, baumes, remèdes… Malgré l’interdiction de préparer des remèdes de plantes à des fins médicinales qui a conduit à l’abandon progressif du métier jusqu’au début du XIXème, l’histoire des colporteurs droguistes a permis d’enraciner la cueillette et la culture de ces plantes comme identité du territoire. Découvrez-la en détail en téléchargeant la brochure « Les plantes aromatiques et médicinales, histoire de rencontres » disponible gratuitement à l’Office de Tourisme de Forcalquier. La cueillette sauvage est toujours pratiquée par des producteurs locaux et par la population qui n’a pas oublié les richesses de sa montagne.

Thym en fleur – Source : Anaïs Joly, CCPFML / Livret sur les plantes aromatiques et médicinales – Source : CCPFML

Il faut imaginer que la forêt de Lure était bien moins étendue qu’aujourd’hui. Les surfaces agricoles grignotaient le piémont du versant sud de la montagne de Lure. Chaque parcelle labourable était utilisée. Jusqu’au XXème siècle, froment, seigle, méteil et blé étaient les principales céréales cultivées.

A partir du début du XXème siècle, la culture de la lavande et du lavandin prend du terrain, elle est bien adaptée à l’altitude et présente naturellement sur la montagne. Les champs se multiplient, accompagnés de petits alambics pour la distillation des plantes. Aujourd’hui, la culture de la lavande est encore d’actualité, bien qu’elle ne se concentre dans de grands champs sur les surfaces plus planes du territoire, notamment sur le piémont de la montagne.

La forêt était également exploitée de multiples façons : bois de chauffage, bois de « fourneaux d’usine », bois de charpenterie, mais surtout pour le charbon de bois. Les charbonniers regroupaient les immigrés italiens et les paysans pauvres à partir de la fin du XIXème. La forêt actuelle ne laisse que quelques traces visibles par l’œil aguerri du promeneur, mais seule l’imagination peut redonner vie à l’ambiance qui régnait en ces lieux et au labeur des charbonniers marqué par la dureté, la précarité, le manque de source d’eau et de nourriture..

La forêt est toujours exploitée pour la production de bois d’œuvre et de chauffage.

Sources : La montagne de Lure – encyclopédie d’une montagne de Haute-Provence, Les Alpes de Lumières, 2004. Page internet de Tourisme Alpes de Haute Provence. Les plantes aromatiques et médicinales – Histoire de rencontres, CCPFML, 2019. Les Paysages forestiers de Lure : le fruit d’une histoire écologique et sociale – L. Simon, P. Bech, In : Forêt méditerranéenne, 2003.

Le saviez-vous ?

Le jas, toponyme très répandu signifiant la bergerie, est l’endroit où les bêtes se « jassent », c’est-à-dire où elles se « couchent ».

Les archives de 1409 témoignent que plus de 7000 bêtes paissaient sur les pâtures de Lure à cette année.

En savoir plus

Remontez le temps et apprenez-en plus sur l’histoire des colporteurs et l’importance de la cueillette sauvage sur le territoire  en téléchargeant le livret « Les plantes aromatiques et médicinales : histoire de rencontres » , aussi disponible gratuitement à l’Office de tourisme de Forcalquier.

Contacts utiles

Envie de se plonger dans l’histoire de Lure ?

Consultez les guides de pays en haute-Provence pour des excursions accompagnées sur l’histoire et le patrimoine de la région.